Au milieu des années 2000 un sommet de crise rassemblant les dirigeants d’une cinquantaine de journaux et groupes de presse américains a dressé un constat particulièrement pessimiste de l’état de la profession et a été appelé à « réinventer le modèle économique » de la presse quotidienne faute de quoi ils se trouvent face au risque d’une disparition.
A partir d’un questionnaire rempli par les participants, un universitaire animant les débats organisés par l’American Press Institute à Reston en Virginie, a établi qu’une seule des 50 entreprises représentées a des fondamentaux (Z score) qui la mettent à l’abri d’une faillite. Tous les autres sont déjà sur la pente vers le précipice, a estimé James Shein.
L’heureuse élue n’est pas citée mais la liste des participants montre que les plus grands sont au cœur de la tourmente (Hearst Newspapers , groupes Gannett, McClatchy, New York Times Regional Media…) Shein ne croit pas qu’ils pourront s’en sortir sans une aide extérieure, en premier lieu « pour regarder cette industrie avec des yeux neufs ».
C’est toujours le même constat : les recettes publicitaires papier sont en chute libre, le lectorat disparaît et les recettes publicitaires de l’internet ne permettent de combler les pertes. La crise économique n’a fait qu’accélérer le phénomène.
La principale réponse de la profession, les suppressions de postes (13.000 depuis le début de l’année) n’apparaît pas comme une solution si elle est conçue uniquement pour réduire les charges et non comme un instrument dans une stratégie globale. « Diminuer le personnel réduit les coûts, mais pas assez vite et va endommager le produit », a mis en garde le président de Delphi, le fabricant de pièces automobiles, invité au sommet : http://www.editorandpublisher.com/
La situation parait si sérieuse qu’un journaliste de BusinessWeek va jusqu’à proposer un plan de sauvetage par le gouvernement américain sur le modèle de ce qui est envisagé par les Démocrates pour l’industrie automobile ou de ce qui est fait pour les banques.
Dans ses hypothèses pour défendre une industrie saluée dans la Constitution américaine, Jon Fine va jusqu’à envisager une redevance (license fee) de 50 dollars par foyer fiscal sur le modèle de la redevance pour la BBC. On peut imaginer le tollé que provoqueraient ces solutions au pays de la libre entreprise, comme le montrent les nombreuses voix hostiles au sauvetage des banques ou de l’industrie automobile.
Depuis New York, un chantre du libéralisme, Rupert Murdoch, s’est élevé dimanche pour ABC en Australie contre les « cyniques » en mal de scénarios catastrophe et assuré que les «journaux atteindraient de nouveaux sommets » au 21 ème siècle. Il pense qu’internet offre d’immenses possibilités, les lecteurs étant « toujours plus affamés d’informations ».
« Les lecteurs veulent ce qu’ils ont toujours demandé : une source en qui avoir confiance. Cela a toujours été le rôle des grands journaux dans le passé. Et ce rôle les rendra encore grand dans le futur ». Le propriétaire du Wall Street Journal croît à l’évolution des journaux vers de multiples médias (pages web, liens RSS, téléphones mobiles) plus flexibles pour les lecteurs. « Le défi consiste à utiliser la marque du journal tout en permettant au lecteur de personnaliser les informations et les lui livrer sous la forme qu’ils souhaitent ».
Les participants au sommet ont prévu de se retrouver dans six mois.