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La machine Internet – résumé et commentaires

Retour commenté sur un des rares ouvrages lucides écrit à l'orée de l'avènement de l'Internet de masse dans les années 1999-2000 : « La machine Internet », Michel Bera et Eric Mechoulan, Éditions Odile Jacob, 1999 * Nos commentaires seront notés [NDA]

Cet ouvrage intitulé « la machine Internet », critique les utopies portées par le développement de l'Internet grand public dans les années 90, et décrit étrangement le paysage de ce qui sera l'Internet des années 2010, le notre. Comme si les dures réalités de la marchandisation généralisée et des replis régaliens des pouvoirs publics, avaient eu raison des projections utopistes des pionniers du « réseau ».

Ce livre de Bera et Mechoulan est d'abord une critique sans concession de l'imaginaire et de la réalité des pratiques de l'Internet, créé dans l'esprit de liberté des années 60 , et devenu lieu du plus haut cynisme, ce, dès 1999 !

Pour les auteurs, l'idéal libertaire de cet Internet est américain, la « toîle » est la nouvelle « frontière » du marché, les communautés virtuelles sont des business models, la démocratie électronique est un narcissisme, l'intelligence collective est ainsi pour eux une gageure, l'interactivité une escroquerie intellectuelle, et l'argent est le seul et véritable "sang virtuel" de cet internet...

Pour Bera et Mechoulan le slogan "plus important que l'information est le droit de l'information" s'efface au profit du "toute la consommation sera disponible sur l'Internet". Ce constat est fait par eux, dès la fin des années 90... Ainsi à terme l'architecture de l'Internet risque d'être carrément remise en cause par le croisement des comportements des Internautes "moutons" ( le grand public) et des "prédateurs" (professionnels de l'économie et des médias) , alors que les pionniers se réfugieront dans quelques recoins des réseaux.

Car selon eux Internet est essentiellement un lieu de pouvoir stratégique : l'ordinateur en réseau, qui se voulait l'outil de l'égalité et de la liberté, va devenir le super-calculateur qui traque les profils des consommateurs pour les greniers à données de l'infosphère, comme dans les rêves des cybernéticiens de jadis

[NDA : or depuis les années 2000 en effet, on cartographie les réseaux sociaux, la blogosphere ; on fait du sentiment analysis, du text mining sur les productions des internautes et du retargeting avec les données de navigation; le big data s'applique à presque tous les domaines : marketing, tourisme, recherche... indistinctement utilisé par des entreprises ou par les Etats. L'analyse de données web, « l'analytics », est devenu un des postes budgétaires les plus importants des entreprises du domaine IT en 2016 et bientôt dans toutes les entreprises en ligne... A tel point que les internautes sont obligés de se défendre devant l'exploitation opaque qui peut être faite de leurs nombreuses traces numériques ou de leur identité en ligne. L'e-réputation devient ainsi une notion incontournable en 2016  :  sollicitant le droit de l'Internet avec le recours de plus en plus fréquent de la part des entreprises et des particuliers aux services d'un avocat e-reputationsollicitant les géants du web avec ce fameux « droit à l'oubli » sur le web pour lequel par exemple Google a mis au point une procédure, et allant même jusqu'à faire intervenir ses services sophistiqués de "nettoyeurs de réputation en ligne"...]

Le seul espoir face à cette inéluctable dérive du cybermonde pour les auteurs, serait le retour à une "forme d'Etat" (« capable de préserver contre leur gré les moutons de l'élevage auquel ils sont ainsi destinés » p.311) , ou à une "réplique de consommateurs" ou encore, au règne de l'imprévisibilité ("construire la civilisation de l'Internet hors de l'Internet", p.312).

[NDA : Peut-être que la réaction des « consommateurs » face à cette dérive de l'Internet a déjà pris des formes de contre-culture dans les années 2000  avec l'avènement d'un Internet non-marchand structuré en mouvements de "l'Internet solidaire", de "l'Open source", en créations juridiques comme "la Licence GPL, GNU" ...en mouvements citoyens avec l'avènement du web 2.0 de 2006 - qui se voulait un retour du curatoring version humaine face aux algorithmes régulant le web  - et jusqu'aux années 2010 avec l'émergence sur Internet de la notion de « biens communs » : on peut écouter avec profit le cours d'Hervé le Crosnier sur le sujet ]

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